Laure de Sade, la bad-ass !

Arrière-petite-fille du Marquis de Sade, la jeune Laure est née le 31 mai 1859 à Passy. À 19 ans, elle épouse le Comte Adhéaume de Chevigné et devient comtesse, sans pour autant connaître le bonheur d’une union réussie. Laure de Sade a pourtant un atout, qui va faire d’elle l’une des Parisiennes les plus en vue de cette fin du XIXe siècle : elle fréquente la cour du Comte de Chambord, triste prétendant au trône de France.

Un article de Margaux Krehl.

Banni de son pays natal depuis 1830, ce descendant de la dynastie des Bourbon s’est installé à Frohsdorf, un château autrichien grisâtre au sein duquel il a réuni une petite cour de fidèles dont fait partie Adhéaume de Chevigné, secrétaire particulier de ce faux roitelet. Bien obligée de suivre son tout nouvel époux, Laure de Sade découvre un château austère, qu’elle qualifie de « royaume des ombres » et dans lequel elle rechigne à résider.

Pourtant, la jeune femme se rend très vite compte qu’une petite audience de fidèles, restée à Paris, cherche à tout prix à obtenir des nouvelles de celui qui pourrait réinstaurer la monarchie française. Laure devient alors l’interlocutrice privilégiée de cette noblesse nostalgique, et chacun de ses allers-retours à la capitale est l’occasion pour elle de briller devant une audience captivée par les aventures du Comte de Chambord.

Les royalistes et la presse mondaine la surnomment alors « la belle de Frohsdorf », un titre qu’elle arbore avec fierté, régalant les Parisiens et Parisiennes de récits audacieux mettant en scène les bizarreries du Comte de Chambord. La jeune femme va même jusqu’à sous-entendre que les deux enfants issus de son mariage avec le Comte de Chévigné auraient en réalité été conçus dans la couche du prétendant au trône.

Marquis de Sade — Laure de Sade, la bad-ass !

Il faut dire qu’être la descendante de l’auteur le plus dépravé de la littérature française a de quoi donner quelques idées. Laure de Sade est une conteuse née, qui ne recule pas devant une expression salée ou un bon gros juron, lesquels tranchent avec ses manières de dame du monde. Il se murmure d’ailleurs qu’elle fut la première noble parisienne à prononcer le mot « merde !».

Fière de son ancêtre, la Comtesse de Chevigné aime à s’inspirer des héroïnes libérées sexuellement qui peuplent les pages des ouvrages du Marquis de Sade, et collectionne les liaisons sans lendemain. Véritable pionnière dans le domaine de la libération féminine, la jeune femme va jusqu’à remettre en question les codes de l’époque, et s’affiche fièrement dans des tailleurs gris foncés qu’elle fait réaliser dans un atelier de confection pour hommes.

Fumeuse invétérée (sa voix rauque deviendra celle de la duchesse de Guermantes dans La Recherche de Marcel Proust), Laure de Sade fascine par sa silhouette athlétique qu’elle entretient en faisant beaucoup d’exercice et en mangeant peu. Loin des icônes féminines de l’époque, toutes en rondeurs et taille corsetée, elle joue la carte de l’androgynie, bien avant l’apparition de Coco Chanel et du masculin-féminin. Un style à part qui lui permet de se démarquer de la sublime Comtesse de Greffulhe, avec qui il est quasiment impossible de rivaliser.

Tout comme cette dernière, Laure de Sade tient salon, en véritable figure de la vie mondaine et aristocratique parisienne qui se respecte. Artistes, musiciens et autres comtes et marquis ont les honneurs de ses cercles d’initiés et le lui rendent bien : les membres de ce club très privé se cotisent à chaque premier de l’An pour lui offrir un nouveau rang de perles. Des colliers qui, pour la Comtesse de Chevigné, « permettent de compter [ses] amis et [ses] années. »

Loin des cercles intellectuels de Laure de Sade, c’est au théâtre que Marcel Proust aperçoit pour la première fois celle qui deviendra l’une de ses trois muses. Troublé, ce dernier lui consacre un portrait dans le numéro de mai 1892 du Banquet, une revue fondée par son ami Fernand Gregh, dans lequel il la qualifie de déesse-oiseau. Apparemment insensible aux roucoulades de l’auteur, Laure de Sade finit par éconduire l’importun dans la rue, comme le dévoilera bien plus tard le biographe de Marcel Proust.

Sources : Lire l’article complet de Margaux Krehl sur le site de Vanity Fair / Photo : Comtesse Adhéaume de Chevigné née Laure de Sade – Paul Nadar

Pour en savoir plus , fondateur du forum et de ce blog.