Dans l’Église et dans Cythère

Aujourd’hui est un jour particulier ; c’est effectivement en 1705, ce même jour, que décida d’arriver sur Terre Jacques-François-Paul-Aldonce de Sade dit « l’Abbé de Sade ».

Érudit et libertin, mondain séduisant, celui-ci joua dans la vie de son célèbre neveu, un rôle qui ne saurait être négligé puisqu’il s’est occupé de l’éducation du Marquis de l’âge de quatre ans à celui de dix ans. Son enseignement se déroula à Saumane dans le Château que lui avait arrenté à vie son frère aîné, Jean-Baptiste-François-Joseph, Comte de Sade, père du Marquis.

Saumane, c’est l’enfance de Sade ; c’est entre ses murs qu’il fut le témoin privilégié des débauches de son oncle. Témoin de la façon dont l’Abbé éduquait les jeunes filles qu’il dérobait à leurs parents pour les initier, dit-on, aux Saintes Écritures.

Dans cette forteresse aux allures d’imprenable Bastille, le Divin Marquis n’eut rien d’éternel mais les histoires licencieuses du propriétaire des lieux le resteront sûrement plus, car ancrées et figées dans un endroit hanté par un passé sulfureux… au point que le Marquis écrivit : « comme un fauve en chasse, je me levais tous les matins pour chercher le plaisir. » C’est ici, à Saumane, que tout a commencé ; c’est ici, également, que Sade affirmait vouloir disparaître : « Non que je renonce à la Provence, j’y finirai vraisemblablement mes jours, mais c‘est à Saumane que je veux habiter ; je suis fou de Saumane, j’irai certainement si je le puis, y finir mes jours… »

Véritable bastion qui rappelle les fortifications de Vauban, massive, son architecture témoigne pourtant de certains raffinements comme cette meurtrière pivotante ou encore cette salle extraordinaire où l’on peut communiquer d’un bout à l’autre tout en chuchotant.

Marquis de Sade - Dans l’Église et dans Cythère

Les années passent, d’hivers en étés, Sade a grandi. Devenu adulte, c’est à son oncle l’Abbé qu’il fera appel pour cacher les victimes de ses bacchanales du Château de Lacoste. L’Abbé répondra alors présent en ouvrant ses geôles de Saumane. Pourtant, dès 1765, le Marquis ne se priva pas d’indiquer à sa tante religieuse qui le tançait sur sa conduite, que son frère « tout prêtre qu’il est a toujours un couple de gueuses chez lui… Est-ce un sérail que son château ? Non, c’est mieux, c’est un bordel ». Pas rancunier l’Abbé !

Cadet de famille, l’Abbé enfila l’habit religieux et devint vicaire général de l’archevêque de Toulouse ; puis de celui de Narbonne. Chargé par les États de Languedoc d’une mission à la cour, il résida ensuite plusieurs années à Paris ; où, naviguant de salon en salon, il se lia d’amitié avec Voltaire et Émilie du Châtelet.

Les trois oiseaux, s’appréciant véritablement, correspondront très longtemps… du moins jusqu’en 1765. Cette amitié se ressent d’ailleurs dans une lettre qu’Émilie du Châtelet écrivit à l’Abbé : « Je ne puis me guérir de vous aimer (…) Je désire que vous soyez heureux, et je le serai parfaitement si je puis quelque jour jouir de votre amitié (…) La vie vous aime trop pour que vous ne m’aimiez pas toute votre vie. » Quant à Voltaire, en décembre 1764 il écrivit à son ami : « Il me semble que Dieu a daigné me pétrir d’un petit morceau de la pâte dont il vous a façonné. »… on sent dans ces mots, un véritable attachement et une estime sincère pour l’homme d’église.

Marquis de Sade - Dans l’Église et dans Cythère

Retiré à Saumane, son existence était, selon Maurice Heine, « moins d’un abbé que d’un seigneur curieux de toutes choses, et singulièrement d’antiquités et d’histoire ». Là-bas, il se livra entièrement à son goût pour les lettres, et principalement à la composition de l’ouvrage qui a fait sa réputation.

On a de l’Abbé de Sade des remarques sur les premiers poètes français et les troubadours, mais ce furent surtout ses « Mémoires sur la vie de François Pétrarque », qui le rendirent célèbre. Contenant des recherches aussi curieuses que remplies d’érudition, il ne s’y borna pas à faire connaître le poète italien, à entrer dans les plus petits détails de sa vie privée, à mettre en scène tous les amis de cet homme célèbre, à analyser ses écrits, à en traduire des fragments : il offrit un tableau intéressant et animé de l’histoire politique, ecclésiastique et littéraire du XIVe siècle, où Pétrarque joua un rôle si important.

Dans cet ouvrage, il n’est aucun personnage un peu considérable de l’Italie, de la France, de l’Angleterre et de l’Allemagne, que l’Abbé de Sade n’y passe en revue ; aucun événement remarquable qu’il ne rapporte, n’éclaircisse ou ne développe, par le moyen d’une critique judicieuse. Il y cite tous les biographes et commentateurs de Pétrarque, discute leurs opinions, et rectifie un grand nombre d’erreurs. Il y établit la réalité et l’état de son ancêtre Laure de Sade, la nature de l’amour que Pétrarque ressentit pour elle ; et son système à cet égard fut généralement adopté. On a reproché à l’Abbé de Sade d’avoir interrompu sa narration par des traductions, en vers médiocres, de plusieurs Poésies de Pétrarque, mais il eut la modestie de n’attacher aucune prétention à ses vers. Le fait que la plupart des exemplaires de cet ouvrage soient passés en Italie et en Angleterre le rendirent rare.

Après un dernier voyage dans la capitale, pour y puiser des matériaux dans les vastes dépôts littéraires qu’elle renferme, il retourna dans sa solitude. N’ayant pu réussir à embellir l’antique château de ses pères, à Saumane, il bâtit une maison à un quart de lieue de là. Ce fut dans cet asile qu’il rendit son dernier soupir dans les bras d’une dame espagnole et de sa fille… nous sommes le 31 décembre 1778.

Sources : Article inspiré de Wikipédia / Photos – Marquis de Sade

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