Laure aux Mains Blanches

« Ah, bénis soient le jour, le mois, et l’année,
La saison, le moment, l’heure et l’instant précis,
Le beau pays, l’endroit où je fus pris
Par les deux beaux yeux qui m’ont enchaîné. »

Nous sommes en 1850, tête penchée, elle est perdue dans ses rêves. Sur son socle, elle est là tenant dans sa main un feuillet ; sûrement un poème de son admirateur. Quatre ans plus tôt, le 15 novembre 1846, pour 12 000 francs, son père reçut l’ordre de la créer. Elle devait être une femme illustre, une femme qui plaît, une femme que l’on pourrait voir au Jardin du Luxembourg à Paris. Depuis, du haut de ses 2 mètres 30, elle est là, amoureuse, à attendre que son galant vienne chercher sa muse de marbre !

« Béni soit le premier tourment, si doux,
Que j’éprouvai au contact de l’amour,
Bénis soient l’arc, les traits qui m’ont percé
Et leurs plaies qui jusqu’à mon coeur pénètrent. »

On ajuste les compas et les montres… nous sommes cette fois en 1348 au début du printemps, Auguste Ottin — sculpteur français — n’est pas encore né, il le sera dans 463 ans. Pourtant, le 6 avril de cette année, son modèle vient de mourir. Dans la campagne avignonnaise, la Grande Peste fait rage et un troubadour amoureux a le servage immortel. Une légende raconte même qu’une coulobre serait à l’origine du décès de sa Belle.

« Bénis les mille appels que je lançai
En invoquant le prénom de ma Dame,
Tant de soupirs, de larmes, de désirs ; »

On remonte encore un peu… 21 ans à peine, à l’aube du 6 avril… à la sortie de l’église du couvent Sainte-Claire en Avignon, un chanoine nommé « Francesco Petracca » aperçoit la Dame en question, elle a 17 ans, lui en a 23 et elle est mariée depuis 2 ans à Hugues un petit marchand d’Avignon ; le chanoine ne cessera dès lors de la glorifier. Depuis ce jour, « Laure aux mains blanches » — c’est son surnom — ne quittera plus les rêves du dignitaire ecclésiastique, devenant ainsi la chaste inspiratrice des écrits du célèbre poète ; ses vers laissant toutefois celle-ci de marbre.

« Et bénis soient aussi tous les écrits
Où je bâtis sa gloire , et bénie ma pensée
Qui n’est qu’à elle, et qu’aucune autre ne partage. »

Marquis de Sade — Laure aux Mains Blanches

Aujourd’hui, malgré de nombreuses recherches, malgré sa présence au Jardin du Luxembourg, malgré toutes les chances qu’elle ait d’être la muse de François Pétrarque, Laure de Sade — née Laure de Noves — n’a toujours pas été formellement identifiée comme telle. Ne l’oublions pas. Allez lui rendre visite, cela lui fera plaisir de voir que l’on pense à elle !

Sources : Photo : Laure de Noves – LPLT / Statue de Laure de Noves – Jardin du Luxembourg / Poème : Pétrarque – Traduction : Inconnu

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