Tout ce qui est sans mesure est bien !

Du 23 mars au 2 avril 2017, Lausanne célèbre les arts de la scène avec la troisième édition de Programme Commun. Le Théâtre de Vidy et l’Arsenic, initiateurs complices de ce festival, embarquent avec eux le Théâtre Sévelin 36, la manufacture, l’ECAL et la Cinémathèque suisse dans une mise en commun de leurs programmes artistiques, de leurs espaces et de leur engagement pour des arts vivants et contemporains. Ensemble, en mettant en synergie leurs moyens, ils proposent une manifestation d’ambition internationale et mettent ainsi en valeur la forte dynamique de Lausanne pour la création contemporaine avec ces lieux de créations, de diffusion et de formation.

Un article du Théatre de Vidy

Cette troisième édition compte seize spectacles, un film, deux expositions, deux conférences, deux fêtes, un séminaire et un salon d’artistes. Le programme permet de voir plusieurs spectacles par jour en passant d’un lieu à l’autre, encourageant ainsi la circulation des spectateurs entre les six structures culturelles et favorisant une ambiance festivalière propice à la découverte artistique.

Programme Commun compte plusieurs grands noms de la scène européenne avec les nouveaux spectacles de Romeo Castellucci, Milo Rau, et les créations lausannoises de Stefan Kaegi et Vincent Macaigne, qui lui donnent une grande visibilité à l’étranger. La dimension internationale et contemporaine se retrouve dans les présences des chorégraphes Daniel Léveillé, Maud le Pladec, Antonija Livingstone et Nadia Lauro.

Marquis de Sade - Tout ce qui est sans mesure est bien !

Associé au Schauspielhaus de Zurich et au Theater Hora, célèbre compagnie d’acteurs handicapés, Milo Rau actualise Sade et Pasolini pour interroger la société et l’art contemporains et leur manière de confondre recherche du plaisir et peur du déclin, normalisation forcenée et goût pour le scandale.

Pour « Les 120 Journées de Sodome », inspiré par les écrits du Marquis de Sade et de « Salò » le dernier film de Pasolini, Milo Rau s’associe avec le Theater Hora, compagnie zurichoise qui thématise le handicap de ses acteurs dans des créations à l’audience internationale. Le metteur en scène bernois poursuit ainsi ses recherches sur les enjeux politiques et artistiques liés au voyeurisme.

Le roman du Marquis de Sade posait un diagnostic sur la société du XVIIIe siècle finissant à travers l’examen de l’exercice du pouvoir sexuel. En le transposant, le film de Pasolini se déroule dans la république alpine de Salò où un gouvernement fasciste a trouvé un dernier refuge. Quatre représentants du régime, alors en pleine déliquescence, soumettent de jeunes gens à des rituels sadiques, leur faisant subir abus et humiliations avant de les torturer à mort dans une orgie de violence. L’adaptation de Pasolini est souvent lue comme un commentaire de la domination propre au régime fasciste qui se retrouve dans les mécanismes répressifs de la société de consommation moderne, notamment dans la normalisation de l’excès et la quête permanente du perfectionnement de l’être humain.

En associant librement le roman de Sade au film de Pasolini et en les situant dans le présent, Milo Rau décrit un féodalisme postmoderne qui oscille entre recherche du plaisir et peur du déclin, obsession de la normalisation et goût du scandale petit-bourgeois. La violence, la liberté, le dégoût et la coexistence du luxe et du supplice sont évoqués dans trois séries de scènes. La normalité, la normalisation et la dignité, comme le rapport entre douleur et rédemption, deviennent alors des questions aussi sociales que théâtrales. Ce faisant, des questions sociales et artistiques fondamentales se posent : que signifie le pouvoir et le voyeurisme ? Qu’en est-il de la dignité humaine ? Qu’est-ce qui est normal et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Où finit la douleur et où commence la rédemption ?

« Les 120 Journées de Sodome » de Milo Rau est à voir sans retenue les 1 et 2 avril prochain, au théâtre de l’Arsenic de Lausane. Si vous craignez de ne rien comprendre au langage utilisé, sachez que la pièce dispose de surtitrage permettant de pouvoir apprécier l’histoire racontée. Et si vraiment vous ne pouvez pas attendre cette date, alors courez vite voir la première représentation qui se jouera au Schauspielhaus Zürich le 10 février qui vient.

Sources : L’article du Théatre de Vidy sur leur site / La pièce sur le site du Théâtre de Zürich

Pour en savoir plus , fondateur du forum et de ce blog.