J’ai toujours été embarrassé en formulant des demandes particulières dans les restaurants. Quand j’étais au lycée, nous avions décidé, mes amis et moi, de ne pas aller au bal de promo, nous mettrions plutôt l’argent du billet dans un dîner gastronomique. J’attendais ce dîner des semaines durant, penché au-dessus du menu comme si c’était une sorte de vieux codex. Après mûre réflexion, une fois le jour arrivé, j’ai fini par choisir le steak de thon sauce au poivre.

Une recette reprise du web par Paperandsalt

Le poisson de ma commande étant juste poêlé, ce dernier est donc arrivé bien avant les plats de mes amis. Étonnamment, je n’avais encore jamais mangé de poisson cru et n’avais aucune intention de commencer à cette occasion. Déterminé à être accommodant, j’ai commencé par prendre les bords du thon jusqu’à ce qu’un de mes amis remarque ma manœuvre et demande à notre serveur qu’on ramène le plat en cuisine. Regardant le serveur passer mon assiette au cuisinier pour la cuire comme je voulais, je l’imaginais en train de dire aux autres : « Cette fille est tellement inculte qu’elle ne connaît pas la qualité du thon servi… c’est vraiment nul. »

Ma tolérance pour les menus personnalisées s’est améliorée par la suite et tout ce que je commande, je sais que ce ne sera rien comparé aux exigences culinaires du Marquis de Sade. Ce dernier ayant montré autant de mépris pour les conventions de restauration, que celles sur les pratiques sexuelles… c’est-à-dire à peu près aucune.

Si j’étais en prison, je suppose que je n’émettrai pas de commentaires au sujet de la nourriture : vous obtenez ce que vous obtenez. Le Marquis, lui, n’hésitait pas a conseiller le chef des cuisines sur le menu du jour : de la crème aromatisée à la vanille ou au café, des pommes au four, une excellente soupe… je ne dirai rien sur l’emploi de cet adjectif, une soupe est toujours excellente ; que la soupe soit bonne ou pas, essayez de dire aujourd’hui que la soupe est excellente, je parie que vous recevrez le reste de la soupe en plein visage de la part du cuisinier.

Je reconnais aussi que je n’ai jamais commandé de biscuits aux formes et dimensions spécifiques. Les demandes du Marquis sur le sujet se retrouvent en paragraphes entiers dans les lettres qu’il écrivit à sa femme. Dans celles-ci, il énumère ses nombreux besoins alimentaires : les biscuits feront « six pouces de long par quatre pouces de large et deux pouces de haut. » Il aimait aussi les bonbons, son appétit pour eux était insatiable : « quatre douzaines de meringues ; deux douzaines de grands biscuits ; quatre douzaines de bonbons au chocolat et à la vanille, et non ces ordures infâmes que tu m’as envoyées la dernière fois. » Et malheur à la personne qui oublie le chocolat : « La prochaine fois que vous m’envoyez un paquet… essayez d’avoir une personne de confiance pour voir par lui-même s’ils mettent du chocolat à l’intérieur. ». S’il était un libertin reconnu le soir, pour ce qui est des plaisirs culinaires, il ne fallait pas prendre non plus le Marquis pour un imbécile.

J’aime le chocolat, à m’en damner. Mon plus grand souci, c’est que les produits étiquetés « chocolat » n’ont tout simplement pas le goût de celui-ci. Mes gâteaux préférés sont ceux avec seulement un murmure de farine et très peu de sucre ; un gâteau où le chocolat fait bruyamment éclater sa présence. Je peux donc pleinement m’identifier au Marquis. Ses plaintes les plus fréquentes étant : « plus de chocolat, s’il vous plaît. Ta génoise n’est pas du tout ce que j’ai demandé. » écrit-il à sa femme. « Je voulais qu’il y ait du chocolat à l’intérieur. Il n’en contient pas le moindre soupçon. »

Alors, comment serait un gâteau au chocolat pour le Marquis ? « Il doit avoir le même goût que quand vous mordez dans une barre de chocolat. Je souhaite que ce soit un gâteau au chocolat, et du chocolat si dense qu’il est noir, comme le cul du diable est noirci par la fumée. » Laisse-le rajouter qu’il doit être « scandaleusement délicieux » et vous aurez une idée de ce qu’il veut.

Si ce genre de dessert au chocolat ne vous rebute pas, essayez la recette qui suit. Certes, il s’agit de simples « cakes » mais si vous attendez un moment, ils deviennent croquants, juste ce que le Marquis semble appeler « une barre de chocolat fondu »

Ingrédients :

• 3/4 de « cup » de farine tout usage.
• 2/3 de « cup » de poudre de cacao non sucré.
• 5 cuillères à café d’expresso instantané.
• 1 cuillère et 1/2 à café de poudre à lever.
• 1/4 de cuillère à café de sel.
• 1/4 de « cup » de beurre non salé, ramolli.
• 2/3 de « cup » de sucre granulé.
• 2/3 de « cup » de cassonade bien tassée.
• 4 œufs.
• 1 cuillère et 1/2 à café d’extrait de vanille.
• 75 grammes de chocolat noir (71% de cacao minimum) haché finement.
• Des graines de grenade pour la garniture (facultatif).

1. Graissez une dizaine de petits ramequins à cake. Dans un petit bol, tamisez ensemble la farine, le cacao, l’expresso, la poudre à lever et le sel.

2. Mettez le beurre dans un grand bol et battez avec un mélangeur à vitesse moyenne pendant 1 minute. Ajoutez le sucre granulé et la cassonade en battant environ 5 minutes, jusqu’à homogénéité. Ajoutez ensuite les œufs (un à la fois) et la vanille en battant toujours jusqu’à homogénéité.

3. Incorporez le mélange de farine au mélange de sucre puis au chocolat. Divisez la pâte dans vos dix ramequins, couvrez et réfrigérez de 4 heures à 2 jours.

4. Préchauffez le four à 180° C. Retirez les ramequins du réfrigérateur et laissez reposer à température ambiante 10 minutes. Découvrez et mettez-les au four pendant 12 minutes, jusqu’à ce que les gâteaux soient gonflés et légèrement croustillants sur le dessus (ne pas trop cuire, croyez-moi ils ont terminé). Laissez reposer pendant 1 minute, puis démoulez.

5. Ajoutez sur le dessus, si vous le voulez, les graines de grenade et servez immédiatement. Si vous ne pouvez pas attendre avant de les déguster, mangez-les directement dans le ramequin… ce n’est pas un péché !

Sources : Paperandsalt – La recette en ligne

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